mercredi 27 avril 2011

ALFREDO VILCHIS ROQUE



Alfredo Vilchis Roque est né dans le quartier José Maria Pino Suarez de Mexico. Son père était un paysan de l'Etat de Mexico que la ville avait transformé en un ouvrier d'usine. Alfredo, après l'école primaire, a travaillé comme vendeur de journaux, ouvrier journalier, aide maçon, et toutes sortes de métiers lui permettant de subsister, comme le font la plupart des habitants de Mexico. Il y a vingt ans, il s'est retrouvé sans travail et a commencé à peindre des miniatures et à les vendre à ses voisins, aux touristes. Un beau jour, il trouva un ex-voto qui fit resurgir en lui un souvenir marquant de son enfance : les visites avec sa mère au sanctuaire de la Guadalupe et la vision fascinante de centaines d'images incroyables. C'est cette illumination soudaine qui le conduisit à dédier à la Vierge de la Guadalupe un premier retable pour le compte d'une famille ayant échappé à la mort dans un accident de circulation dans Mexico.

Il se considère comme un autodidacte, formé « à l'école de la vie », même s'il dit avoir été beaucoup influencé par Frida Kahlo, avoir souvent visité sa maison bleue de Coyoacán, avoir étudié les peintures de Frida et Diego Rivera, et même réalisé des copies de leurs tableaux pour les vendre.
Alfredo Vilchis est aussi un membre actif de sa communauté : il a organisé de nombreux ateliers et réalisé des peintures murales dans les rues avec les enfants, essentiellement pour les occuper, les protéger et éviter qu'ils ne tombent irrémédiablement dans la drogue, le banditisme ou la prostitution. II a, semble-t-il, créé des vocations : aujourd'hui, des jeunes viennent le consulter dans son nid d'aigle et tiennent compte de son avis.
Le geste, l'offrande, conserve une forte signification : Alfredo Vilchis a bien conscience de faire un métier spécial et c'est ce qu'il transmet à ses fils : « Je le leur répète sans cesse, être retablero (peintre de retables), ce n'est pas n'importe quoi, c'est un travail très beau mais très douloureux. Il faut le faire avec respect, ce n'est pas seulement pour l'argent, nous sommes les messagers des sentiments des gens. »
Les fils d'Alfredo, Hugo Alfredo, Daniel Alonso et Luis Angel, peignent maintenant eux aussi des ex-voto, si bien que la famille Vilchis a établi sans le savoir la même tradition que bien d'autres retableros.
Victoire et Hervé Di Rosa



Au cours des siècles, l'ex-voto a créé un langage spécifique, qui s'est cristallisé dans une double narration, écrite et figurative. Le texte, généralement au bas du retable, a une orthographe phonétique approximative mais une calligraphie très soignée, et indique presque toujours la date, le lieu, la faveur concédée et les circonstances du fait miraculeux, presque jamais le nom du peintre. Au-dessus, la représentation du fait divers, comme sur un petit écran en couleurs, met en scène la Terre et le Ciel, puis l'image de la divinité (parfois deux, trois ou quatre) dans la partie supérieure, plus ou moins proche, souvent séparée du monde des mortels par son nuage ou dans un rayon de lumière. On peut y voir, au cours du xxe siècle, les influences successives de la photo, du cinéma, des bandes dessinées sur la mise en scène et la construction des images.

  "Mon travail c’est de faire le lien entre, ça a l’air d’un mensonge, entre le terrestre et le divin… et c’est quelque chose qui me comble de satisfaction. Aider les gens, coopérer en quelque sorte en apportant mon petit grain de sable, leur donner la satisfaction de rendre grâce, de rendre la faveur reçue. Pour moi, c’est ça un ex-voto. Avant, on parlait beaucoup de la terre, des champs, de l’abus de pouvoir, des caciques, on parlait de tout ça dans les ex-voto, des maladies, des épidémies… et aujourd’hui dans l’actualité, des agressions, des vols, des assassinats, des amours clandestines…"  déclarait Alfredo Vilchis Roque dans Metropolis sur Arte en décembre 2004.


Le peintre réalise ses retables à la peinture à l'huile sur des plaques de métal (lamina). Le style est traditionnel avec des traits simplifiés et des couleurs vives. Les scénettes sont pleines de détails charmants: le chapeau suspendu de l'homme qui tombe, le noyé retenu par les cheveux, l'ivrogne tenant d'une main une rose et de l'autre la bouteille à laquelle il renonce, le paysan mordu par son cochon, le trapéziste tombant dans le vide, "el inferno" l'enseigne de la cantina  etc....
 Si les thèmes abordés sont contemporains, ils ne sont pas vraiment en accord avec les enseignements de l'Eglise.


 À lire
Alfredo Vilchis Roque, Pierre Schwartz
Rue des Miracles
Ex-voto mexicains contemporains
Édition du Seuil, 2003     



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