mercredi 1 juin 2011

Anselme Boix-Vives







Visionnaire prophétique et inspiré, Anselme Boix-Vives est, de toute évidence, l'un des artistes majeurs de l'Art brut. Il n'a jamais touché un pinceau de sa vie jusqu'à l'âge de 63 ans. Il va réaliser, de juillet 1962 à juillet 1969, une oeuvre immense et dense, plus de 2 000 peintures et dessins, d'une concentration et d'une force éblouissante. Son art a été jugé à la fois simple et compliqué, lumineux et incompréhensible, de 
l'ordre du miraculeux et de l'immanent.






 

Anselme Boix-Vives est né le 3 janvier 1899 près de Morella, province de Castellon de la Plana, en Espagne.
Issu d’une famille pauvre de neuf enfants dont il est le cinquième, Anselme ne fréquente aucune école, n'apprend ni à lire ni à écrire. Avec ses frères, il garde les moutons avant d'émigrer en France, à Brides-les-Bains, à l'âge de 18 ans. De sa jeunesse de berger catalan, il a gardé le souvenir flamboyant de la nature. Devenu Anselme Bois, il travaille en usine, se fait ouvrier agricole, mineur. C’est un travailleur acharné, “quarante-huit heures par jour” comme il aime à le dire. 





 





Quand il acquiert en 1928 une boutique de fruits et légumes dans la rue principale de Moûtiers, il réalise un rêve qui lui permettra de connaître une relative prospérité. Le petit commerçant enrichi qu’il est devenu n’oublie pas ses débuts et une part de son cœur bat pour un monde meilleur qu’il a toujours gardé en tête. Il rédige un "plan de paix" impliquant la résolution des problèmes de la planète. Le 3 avril 1956 : première édition du manifeste de « L’union mondiale - l’avenir du monde ». Il envoie son projet au général de Gaulle, à la reine d’Angleterre, au pape... Le 16 mars 1957 : première conférence sur le "Plan mondial ». Il ne sera écouté de personne. Gentiment moqué par ses concitoyens, Anselme est meurtri par le silence que rencontrent ses écrits. 


 En 1962, tout vacille. Le décès de sa femme bouleverse sa vie. Il abandonne son affaire à Michel, l’un de ses trois fils. Celui-ci l’incite à peindre, se souvenant de ses dessins griffonnés spontanément au dos des factures du magasin. Anselme Boix-Vives se réfugie alors dans son utopie et entame une nouvelle vie entièrement consacrée à la peinture.  Réfutant l’apprentissage des techniques picturales, fuyant l’érudition de ses congénères, c’est seul, reclus dans son atelier, qu’Anselme, pendant dix ans  fait ses armes. 


On pourrait dire que l’artiste pénètre dans le monde artistique comme un enfant, auquel il emprunte d’ailleurs ses instruments : du papier canson, sur lequel il dessine à la gouache ou aux pastels. À partir d'avril 1965, Anselme Boix-Vives utilise le Ripolin, qu'il découvre grâce à la marchande de couleurs de Moûtiers qui lui avait fait cadeau d'une série de pots invendus.
Son œuvre est une explosion de couleurs, en témoignent ses fougères qui ressemblent à des feux d’artifice et ses figures ciselées d’or qui rappellent aussi bien les apparats baroques que les fresques de Klimt. 
 

Sept années, de juillet 1962 à juillet 1969, d’un travail opiniâtre débouchent sur plus de deux mille œuvres colorées, fortement expressives et originales, où la figure humaine, aux traits souvent simiesques, se mêle à des végétations luxuriantes : des gouaches, des peintures à l’huile ou au Ripolin, des dessins. Sept années dans son monde plein de rois,  de châtelaines, de personnages lunaires, de héros de notre siècle (Kennedy, Martin Luther King), mais aussi de personnages du petit écran (Catherine Langeais), de gens du commun (la série des concierges), de scènes du quotidien (des mariages), d’acteurs (Michel Simon), de témoignages d’actualité (La marche sur Washington), et de scènes bibliques (une descente de croix). Ces toiles forment des instantanés de notre temps au cœur de jungles flamboyantes.




 Son œuvre, il l’a fait tout de suite avec  force, originalité et efficacité, en puisant dans notre inconscient collectif des formes proches de l’art aborigène, mais aussi en retrouvant dans sa propre mémoire les traces de notre culture occidentale. Il s’agit de l’oeuvre d’un homme qui a su « voir » toute sa vie, pas seulement la nature, les plantes, les fleurs, les animaux, les fruits qu’il vendait, mais la beauté des chapelles baroques de Haute Savoie et l’art médiéval catalan. 




 Son imaginaire s’appuie sur un solide sens de l’observation.  Il a développé une œuvre remarquable et vite remarquée, par André Breton, Corneille ou encore Harald Szeeman qui dès 1964 exposait cinquante-six de ses gouaches auprès de Louise Nevelson et de Hunderwasser à la Kunsthalle de Berne en Suisse. ». En mars 1964, Anselme Boix-Vives expose pour la première fois à Paris à la Galerie Denise Breteau (qui le montrera également l’année suivante), et il termine l'année à la Galerie Charpentier dans le groupe des « Primitifs d'aujourd'hui ». Son œuvre s’étale sur une période courte, huit ou neuf ans. Tout semble naître et croître sous nos yeux, les plantes et les fleurs s’épanouissent, les oiseaux prennent leur envol, tout frémit, c’est merveilleux. Sa rétrospective en 2009 (en même temps que Macréau)  au musée de la Halle Saint Pierre à Paris et le livre écrit par Emmanuel Daydé, « L’aménagement du monde », ont dévoilé toutes les facettes de son oeuvre, de la figuration à l’abstraction, celles d’un peintre qui ne peut manifestement pas être cantonné dans les limites de l’art brut (Alain Margaron - extrait "Un lieu pour voir", 2009). 
 Volontiers qualifié de « naïf », c’est pourtant dans le courant artistique « brut » que Boix-Vives trouvera sa place. Ce que nous livre Boix-Vives c’est bien l’authenticité de son âme à l’état brut.
Son fils Michel, en relation avec le milieu artistique, fait circuler les œuvres de son père à Paris. En 1964, la gouache acquise par André Breton, « Mode à Paris », fait la une de couverture de son journal « La Brèche, Action Surréaliste ». En 1966, il est exposé à la galerie Alice Pauli à Lausanne, à la Lefebre Gallery à New York ; en 1967 à la galerie Schloss Remseck à Stuuttgart en Allemagne et en 1968 au Musée- Château d’Annecy.
Anselme Boix-Vives meurt le 24 août 1969 à Grenoble.

En1966, Marie-Madeleine Brumagne passe faire une visite de courtoisie pour l'émission culturelle Champ Libre au peintre Anselme Boix-Vives. Cet homme exceptionnel lui raconte sa vie, de son enfance en Espagne jusqu'à son projet de paix mondiale et sa peinture. Rencontre avec un artiste trop méconnu.
http://www.rts.ch/archives/tv/culture/champ-libre/3466918-anselme-boix-vives.html

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