mercredi 22 juin 2011

Emile Josome Hodinos

Emile Joseph Hodinos est né en 1853 à Paris, d’une famille aisée de boulangers, qui lui permit d’apprendre le métier de graveur à 16 ans, chez Tasset, graveur de médailles réputé et il suit des cours à l’École de dessin, rue de l’École-de-Médecine à Paris.  De 1873 à 1874, il fait son service militaire, puis passe deux ans à l’École des Beaux-arts. En 1876, à 23 ans, il est hospitalisé pour “excitation maniaque” à Ville-Evrard, un hôpital réservé aux malades payants. C’est là qu’il prend le pseudonyme d’Emile Josome Hodinos. Il restera interné toute sa vie sans qu’on connaisse vraiment aujourd’hui le diagnostic de sa maladie. Il semblerait qu’Hodinos n'ait commencé son œuvre que dix ans après son internement et créé une œuvre considérable: plusieurs milliers de dessins à l’encre et à la mine de plomb, dont la plupart ont disparu. Les outils tranchants de graveur lui ayant été retirés, il dessine au crayon et à l’encre des médailles composées de figures à l’antique, de profils, de textes. Ses dessins sont des copies de médailles avec toutes leurs caractéristiques : images, exergues, devises, ornementations. L’ensemble constitue une véritable encyclopédie: inventaire des vices et des vertus, description de l’anatomie humaine, des attitudes, des vêtements ou des objets domestiques, formant une étrange hiérarchie qui représente sans doute pour lui l’ordre et la vérité d’un autre monde. 

 L’image d’une femme, souvent nue ou vêtue d’un voile transparent, composée, ou plutôt décomposée, coupée et vidée (pieds, jambes, genoux), revient souvent dans ses tableaux.  Il inscrit généralement sous sa signature les caractéristiques de son métier : mouleur, modeleur, compositeur, dessinateur, graveur. Dans ses compositions les plus abouties, les médaillons s’inscrivent dans une architecture de linteaux, de bandeaux et de piédouches « gravés ». Hodinos remplit tous les espaces vacants de mots et de phrases qui expliquent les motifs représentés et donnent également de nombreux éléments biographiques. Parallèlement à son activité de dessinateur, il entreprend la rédaction d’une Histoire générale des États européens de 1453 à 1789 et d’un dictionnaire politique. Son œuvre est une de celles qui, parmi les œuvres psychopathologiques, illustrent on ne peut mieux la métamorphose d’un métier due à l'enfermement. 




Après sept années d’apprentissage, brusquement privé de ses outils qui représentaient un danger aux yeux de l’institution, Hodinos, fort de son métier de graveur, affranchi des obligations sociales, va entreprendre, au crayon et à la plume, une œuvre qui se situe à la croisée des connaissances techniques et de cette voie qui donne accès à une aventure toute personnelle. On retient généralement de l’œuvre de Josome Hodinos son dessin, consistant en des projets de médailles soignés et aboutis. Petits formats, recto-verso la plupart du temps, ces figures aux variations inépuisables témoignent d'une technique que le délire conduit dans des chemins étranges. La maîtrise de son trait masque la particularité de ses compositions où s'égrènent la litanie des mots ressassés par les condamnés à la réclusion. C’est seulement dans un second temps que l’on s’attarde à l’écriture qui envahit l’œuvre entière, en est le contrepoint, en révèle le sens caché. 


Tout au long de chapelets de descriptions, de phrases lapidaires ou encore de textes explicatifs, Hodinos nous livre tout de sa vie, de son enfermement estimé à une vingtaine d’années : enfance, engagement politique, points de vue sur l’art, notes sur le travail de graveur, attrait de la femme allié à celui de la république, sévices subis à l’asile, tumultes en tout genre, rien ne manque à cette longue énumération savamment mise en page.  Par un renvoi continu des médailles aux tablettes d’écritures et des tablettes aux médailles, Hodinos use d’une formule sobre, fusionnelle, faite de sévérité et d’audace, qui rend l’œuvre toujours plus fascinante au fur et à mesure qu’on la découvre. Emile Josome Hodinos est décédé en 1905 à Ville-Hévrard.

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