lundi 27 juin 2011

Michel Macréau


C’est l’un des précurseurs de l’art brut, de la figuration libre dans la veine de Basquiat, de Combas qu’il a  précédés et influencés. Un peintre qui a connu un temps le succès dans les années 60 puis est vite tombé dans l’oubli. Un artiste au destin tragique, mort dans la misère.
Michel Macréau a peint au pinceau, à la paille, sur différents supports : toile, contreplaqué, bois, meubles, papier journal, draps, sacs postaux, agglo, et murs de la ville bien avant les tendances du tag et des graffitis.
Proche de certaines préoccupations CoBrA, précurseur du graffiti urbain, le travail de Michel Macréau  inscrit la peinture dans le champ de l'écriture et du dessin, s'affirme par la complexité d'une figuration apparemment malhabile, par la qualité picturale des lignes sobres jouant avec l'espace du tableau.  Il dessine le corps et les visages. 


 
Le corps humain dénudé, sans peau, dont il dresse une cartographie métaphorique, où les organes et les orifices sont exagérément indiqués, parfois jusqu’au malaise. Les symboles sont rudimentaires mais efficaces. Il s’inscrit dès lors dans la franche lignée des peintures-écritures, où le dessin est roi. Une peinture graphique quelquefois brutale, fondamentalement tendre, sous-tendue par une angoisse presque palpable trouvant son origine dans des mythologies personnelles  les plus obsédantes. L'œuvre de Michel Macréau est imprégnée de douleur et d'étrangeté. La trentaine de portraits réunis font preuve d'un mal-être voisinant avec la folie. Des visages composites aux yeux asymétriques, chargés de symboles tribaux et de croix abordant les thèmes de l'enfance et de la religion.
Michel Macréau a connu le succès durant 10 années, seulement, lui qui a toujours refusé toute compromission dans son art, s’est vite vu éclipsé par des peintres comme Basquiat.




 Il va produire une œuvre riche de plus de 2 400 peintures ou dessins, transposition primitive et généreuse de son « Plan de paix », rédigé en quatre manifestes sincères et utopistes. Celui que l’on classe volontiers dans l’art brut est certes original, mais à la façon du mysticisme catalan médiéval. Ses illuminations, art d’instinct et d’invention, peignent et dépeignent sans relâche sa société universelle où se côtoient rois et reines, papes, missionnaires et apôtres, hommes politiques, travailleurs et patrons, à travers des harmonies dynamiques de couleurs qui se révèlent dans leur tonalité affective.

 Michel Macréau est né le 21 juillet 1935 à Paris. Fils unique, élevé par une mère représentante en fourrures et un père routier toujours absent, Michel Macréau est placé de famille en famille et connaît une enfance instable. Son adolescence apparaît ensuite comme une longue dérive. Un jour, dans une librairie, il tombe en arrêt devant deux livres d’art, l’un sur Matisse l’autre sur Picasso. Ne pouvant en acheter qu’un seul, il choisit Matisse  et, de facto, décide de devenir peintre.
 En 1953, il s’inscrit au lycée de Sèvres, dans la section artistique et collabore à la réalisation de cartons de tapisseries de Le Corbusier sous la direction de Pierre Baudouin. Puis il fréquente l’Académie de la Grande Chaumière et un cours chez un fresquiste, Lesbounit à Montparnasse. Il se marie avec le sculpteur Claudie Pessey, avec laquelle il aura trois enfants, Violaine, Ludovic et Alice.

 En 1959, Macréau s'installe avec des amis du cours de Lesbounit, en squatteur, dans le château abandonné de La Barrerie, à Villiers-le-Bacles, dans la vallée de Chevreuse. Il y fera sa première exposition de groupe dans le jardin.
Macréau rencontre Raymond Cordier et Cérès Franco en 1960. Celui-ci le présentera à la Biennale d’Art de Sao Paolo en 1963.
 1962 est l'année du succès pour sa première exposition personnelle à la Galerie Raymond Cordier. Georges Pompidou lui achète deux toiles qui seront ensuite installées au fort de Briançon lors de sa présidence.
 En 1964, le couple Macréau emménage près de Bourges dans une maison isolée, précaire et vétuste. L'artiste se consacre pleinement à la peinture, ses expositions se multiplient et rencontrent du succès, en France et à l'étranger (Paris, Rio de Janeiro, Espagne, Hollande...). Son talent séduit de nombreux collectionneurs. 

De 1972 à 1979, Macréau a des doutes sur sa démarche artistique et produit peu. L'artiste est en pleine dépression.
Il se retrouve seul en 1975 et se réfugie à l'hôpital pour de longs séjours qui se renouvellent jusqu'en 1981.
 Vers 1979, Macréau reprend progressivement goût à la vie et à la création.
 Retour dans sa maison du Berry en 1983 et joie de retrouver la campagne qui enrichira son langage pictural et contribuera à son épanouissement. Début d'une nouvelle période euphorique, retour du succès, Macréau va créer beaucoup et réalisera des nombreuses expositions personnelles et collectives, jusqu'à sa mort, en  1995, à l'âge de soixante ans.

http://www.evene.fr/culture/agenda/michel-macreau-27386.php
« …Des squelettes effrayés, des mères omnipotentes et des anges sanguinolents sous des croix rouges intrigantes, le tout dans une effusion, à la peinture ou au crayon, de seins, d’os et de cordons… Voilà Michel Macréau l’« hors cadre »…
…Il suffit de jeter un coup d’œil sur ses toiles pour le vérifier : on y retrouve les femmes « picassiennes » désarticulées et leurs clins d’œil nargueurs. On y voit aussi des mères qui enfantent dans la douleur et des couples rattachés seulement par le bas du corps, ce qui, peut être, explique les amantes qui pleurent comme des boîtes à musiques déglinguées… Les corps de Macréau sont sans peau, personnages de Dickens fragmentés (cf l’analyse de Siri Hustvedt) prolongement direct du monde sensible qui, naviguent (volent ou plutôt tombent) sans cesse entre l’enfer juste sous nos pieds (cf C’est loin d’ici, 1963) et un paradis à peine plus réjouissant aux vierges tentaculaires, aux anges blessés et aux Marie-Madeleine déshumanisées. Michel Macréau, était important dans les années 90, Basquiat l’avait présenté à la galerie Prazan Fitoussi à l’occasion de la manifestation « Vingt ans après ». Aujourd’hui, le créateur est presque oublié, la belle exposition qui lui est consacrée à la Halle Saint Pierre ne dérange pas les foules. Et pourtant, avec ses têtes naïves errants dans des cimetières grinçants, sa spontanéité et sa façon de nous montrer, par l’écriture automatique, la peinture en train de se faire, Michel Macréau est effectivement un des précurseurs de la Figuration Libre (en plus d’être, et c’est lié, celui du graffiti)… Comme si, se foutant une dernière fois des cases et des institutions, préférant le cimetière des anges déchus et la pastille « Art Brut » aux étoiles de ses frères et aux signatures de Ben sur les agendas des élèves, le vagabond s’était retiré du cadre à pas feutrés après avoir pris soin d’insuffler ses idées. » 

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