lundi 28 novembre 2011

Hong Tong




Extrait du catalogue « Art spirite, médiumnique, visionnaire, messages d’outre-monde » aux éditions Hoëbeke
Une exposition de la Halle Saint-Pierre du 13 septembre 1999 au 27 février 2000.
Hong Tong est né en 1920 dans le hameau de K’unchiang, canton de Peimen, district de T’ainan, au sud-ouest de Taïwan. Ses parents étant morts quand il était enfant, il a été élevé par sa grand-mère et son cinquième oncle. Né dans une famille pauvre et intègre, il a dû très tôt travailler, gardant les buffles des voisins ou s’occupant à divers autres petits travaux, et n’a donc pas pu recevoir d’instruction scolaire… Le jeune Hong Tong a d’ailleurs travaillé à Kaohsiung, la grande ville du Sud, avant de revenir au pays et d’y prendre pour épouse Liu lai-Yu, dont il aura trois fils et deux filles…
 

Hong Tong a été profondément imprégné de l’influence et de la culture taoïste. Il a même rempli pour un temps les fonctions de médium (chit’ung) du temple de Nank’unshen…
Le tournant le plus spectaculaire dans la vie de Hong Tong se produit dans l’année de ses cinquante ans, lorsque, le 4 novembre 1969, il demande de l’argent à sa femme pour acheter de la peinture, du papier et des pinceaux et fait vœu de se consacrer dorénavant entièrement à la peinture, déclarant ne plus prendre désormais la responsabilité de l’entretien financier du ménage. Sa femme effrayée de cette subite décision, ne parvient cependant pas à s’opposer à la requête pressante de son mari et se résigne à trouver elle-même des moyens de subsistance de la famille….
Hong Tong, quoique ennuyé d’imposer à sa femme une telle situation, ne parvient pas à résister à une pulsion créatrice passionnée qui le pousse à s’enfermer chez lui et à peindre jour et nuit. Les voisins considèrent alors que Hong Tong est possédé par le diable ou par l’esprit d’un mort tourmenté.
Après avoir consacré un certain temps à sa peinture, Hong Tong, plein d’espoir, propose ses œuvres au salon annuel des artistes de la province de Taïwan et au bureau d’information américain de la ville…mais il se heurte à des refus.




 En 1972, Hong Tong profite d’un concours de photographie organisé dans le temple de Nank’unshen, attirant une foule animée, pour accrocher une dizaine de ses rouleaux en couleur sur les arbres qui bordent la rue… 
 L’atmosphère étrange de ses peintures attire l’attention d’un reporter-photographe qui fait rapidement connaître le nom de Hong Tong à Taïpei, ce qui commence à susciter attention et commentaires des milieux artistiques de la capitale…
Hong Tong et ses œuvres deviennent un sujet brûlant de conversation et de controverses.
En mars 1976, la tout nouvelle revue mensuelle The Artist organise avec le Centre d’informations américain à Taïpei la première exposition personnelle de Hong tong et, grâce à une très forte couverture médiatique, le flot des visiteurs atteint des proportions inégalées par les expositions artistiques précédentes…Hong Tong considéré alors comme un génie ou comme un fou, devient soudain un personnage légendaire connu de tous
Après le grand retentissement de cette exposition, Hong Tong retourna dans son modeste village de pêcheurs et l’intérêt des médias se tarit. Des visiteurs curieux continuèrent à se presser devant sa vieille maisonnette, mais Hong Tong, ne supportant pas le dérangement, refoulait tous les acheteurs et, enfermé dans son atelier, se plongeait dans sa peinture, continuant à vivre comme un indigent.
En 1986, à la mort de sa femme, Hong Tong perdit sa compagne et un soutien matériel important, ce qui le laissa profondément affecté et psychologiquement ébranlé. Le 23 février 1987, des voisins le trouvèrent mort dans son atelier depuis plus d’une journée.

mardi 8 novembre 2011

Guillaume Pujolle


(Extraits du fascicule n°4 des publications de l’Art Brut – Paris 1965)
Guillaume est né le 18 juin 1893 à Saint Gaudens en Haute-Garonne. Son père était ébéniste spécialisé dans la restauration des œuvres d’art. Il était tenu pour un ouvrier de talent et travaillant régulièrement à des ouvrages difficiles. A la suite de dettes de jeu, il dut vendre son artisanat et mourut accidentellement à cinquante-cinq ans. Sa mère par ailleurs normale, d’un caractère doux et tranquille, devint mélancolique et triste à la suite des mauvaises affaires de son mari. Elle mourut en 1926.
 Guillaume fut l’aîné de quatre enfants. Son frère cadet, Pierre, avait beaucoup de goût et de dispositions pour le dessin. On le considérait dans son entourage comme un artiste et on lui reconnaissait des dons incomparables à ceux de Guillaume. Sans la faillite de son père, il eût été dirigé sur les Beaux-Arts.
Guillaume est né un an après le mariage de son père qui avait alors 25 ans.
A l’âge de deux ans, au cours d’une chute, il se fracture les os du nez et garde de cet accident un aplatissement nasal qui jouera un rôle dans son histoire affective.
Il va en classe jusqu’à quatorze ans, échoue d’un point au C.E.P. Il se signale comme n’ayant aucune tendance à la spéculation intellectuelle abstraite, mais se montre d’une grande habileté manuelle. Il manifeste, à cet âge, le désir de travailler avec son père et d’apprendre le métier, qu’il exercera jusqu’à dix-huit ans, dessinant des plans de meubles et les fabriquant.
Sa sœur dresse de lui ce portrait : « sérieux, méticuleux, sensible et taquin. Il ne s’occupait guère que de son travail et se révélait un excellent ouvrier. 
 Il était sociable, avait de bons camarades avec qui il sortait volontiers, mais préférait à tout une petite vie tranquille dans le cadre de sa famille. On ne lui a connu aucune liaison sentimentale. Très affectueux mais capricieux, c’était l’enfant gâté de la famille, celui dont on redoutait les colères, par ailleurs vite éteinte, et à l’autorité exigeante de qui on cédait très souvent. 
Seule une méticulosité exagérée et une véritable phobie du désordre et de la saleté marquent alors le pathologique de ce caractère, ou tout au moins, ses tendances à l’obsession…
… Les affaires de son père allant de mal en pis… le 24 avril 1913, le jeune Guillaume part s’engager. C’est là, dans cette fugue organisée, sa première réaction et le début d’une mise en marge de la vie qui ne fera que s’accentuer…
Pendant la guerre, il est hospitalisé pour dysenterie et paludisme, fait prisonnier, envoyé dans un camp de représailles pour conduite inconsidérée et libéré en 1919…
 De retour chez lui, nouvelles mésententes et nouveaux heurts avec son père, il part à Metz où il est préposé aux Douanes et y restera jusqu’en 1926… 
Il s’intéresse à la politique, se marie en 1924 après six mois de fiançailles et vit chez sa belle-mère avec une petite nièce. Le ménage n’a pas d’enfant.
Dès le début du mariage, il manifeste des troubles de caractère qui compromettent souvent la paix du ménage. Progressivement (nous sommes en 1925 et il a 32 ans), les troubles de caractère empirent.
De plus en plus noyé dans un inconscient dont elle devient la proie, l’inquiétude augmente et s’ordonne spontanément autour de la jalousie qui la favorise en lui apportant l’unité et la direction qui lui manque. Il en arrive à se trancher la gorge avec un canif. Hospitalisé pour ses blessures le 9 juillet 1926 il est transféré à l’asile Cadillac avec le certificat d’admission : « syndrome mélancolique, auto-accusation, idées d’humilité, idées de suicide ». En 1926, sa femme le fera transférer à l’hôpital de Braqueville à Toulouse où elle s’engagera infirmière, l’année suivante. Le 7 septembre 1927, sur la demande de sa sœur, il est réformé sans pension d’invalidité avec la diagnostique suivant : « A.T.D. Délire systématisé avec idées d’influence et d’auto-accusation. Aspect mélancolique. Affection nécessitant l’internement.»…
Les premiers dessins connus de Guillaume datent de 1935 et il avait alors 42 ans. S’étant disputé avec un infirmier, relate le Dr Dequeker, il aurait fait de lui, avec des couleurs de fortune prises au laboratoire dont il avait accès, une caricature bouffonne. Le succès obtenu auprès des malades et de l’entourage par cette caricature aurait été le point de départ de son assiduité à dessiner… Le style, très déconcertant, très autoritaire des caricatures du ministre Laval  et du président Poincaré qui sont au nombre des plus anciennes qui se soient conservées, caractérise ses travaux comme étant déjà pleinement constitué. 
 Ce qui donne à penser que cette activité de dessinateur n’est pas là à son début et que d’autres dessins faits antérieurement (très antérieurement peut-être) et au cours desquels ce style se serait peu à peu formé, ont disparu sans laisser de traces. Ou bien ces dessins sont-ils vraiment les premiers ? A-t-il dès le départ obtenu des œuvres pareillement imposantes ? C’est peu concevable mais ce n’est pas exclu…
Depuis les productions de 1935, Guillaume n’a cessé de dessiner. Il le fait le plus souvent sur invitation, et la plupart de temps, par séries de quatre, cinq dessins ou plus, destinés aux personnes qui lui témoignent de l’intérêt et lui fournissent papier, encres et crayons. Il passe par des périodes de grande productivité et des périodes pendant lesquelles il est incapable de produire. Il reconnaît lui-même ce rôle de catharsis du dessin et dit fréquemment : « Je dessine pour passer le temps, je me calme en dessinant ». Nous tenons du Dr Auguste Perret que Guillaume ne dessine jamais sinon à partir d’une image découpée dans quelque journal, dans un calendrier, dans une étiquette illustrée, et qui joue le rôle d’inducteur. Il ne copie pas cette image, il s’en inspire à sa façon et fait curieusement, partant d’elle, quelque chose de tout autre.
Guillaume Pujolle est décédé à Toulouse en 1971.


vendredi 4 novembre 2011

Charles Frederic Soehnée


Charles Frederic Soehnée est né le 3 novembre 1789 à Landau in der Pfalz en Allemagne.
C’est le quatrième enfant du marchand Johann Jacob fils Friederich et Caroline Wilhelmine.
C’est son camarade et ami, Pierre Louis de Laval (1790-1842) qui a peint un des seuls portraits connus de lui en 1812.
On ne connaît que très peu d’œuvres de cet élève du peintre néoclassique Anne- Louis-Girodet de Roussy Trioson. Artiste secret, il n’eut en effet qu’une très brève carrière artistique. 
On peut la circonscrire aux années 1818-1819. Il exécute dans la fièvre plus d'une centaine de dessins, de lavis et d'aquarelles.  
Hormis quelques paysages, ses aquarelles représentent des cortèges de personnages et d’animaux fantastiques.
On y voit des caravanes de nomades, des cortèges d'exilés, des troupes de comédiens ou de fuyards qu'accompagne une faune monstrueuse de licornes et d'oiseaux à tête de cheval, de rats géants et de chauve-souris devenues voiles de bateau. Suite libre ? Projet d'illustration pour un texte ancien ou à venir ? Rêveries opiacées ? Nous ne saurons sans doute jamais la rime et la raison de cette fantasmagorie singulière.
Leur finalité et leurs sujets n’apparaissent pas clairement même si les titres inscrits sur certains dessins sont évocateurs : Voyage en enfer, Le berceau de la mort ou Lieu consacré au silence... Les influences sont diverses, de Bosch à Goya en passant par certaines figures de Saint-Aubin. Les petits personnages rappellent également Jacques Callot.
Mais ces animaux bizarres, squelettes ambulants qu’on croirait sortis des temps antédiluviens, chimères couvertes de poil, mi-chameaux mi-oiseaux, taupes anthropomorphes, chauve-souris géantes dont les ailes font office de voile pour une barque, sont d’une invention parfaitement originale. Leur descendance contemporaine directe, quoique sans doute fortuite, peut se voir dans les créatures des films de Tim Burton.
N’oublions pas l’essentiel : ces visions cauchemardesques possèdent aussi une étrange poésie.
Soehnée n'a pas alors trente ans qu’il abandonne, semble-t-il, définitivement la peinture et se consacre à la mise au point d'un vernis, toujours utilisé aujourd'hui, qui fera sa fortune.
Il est décédé le 1er mai 1878 à St Germain-des-Prés à Paris.