dimanche 26 août 2012

Jeanne Tripier





Jeanne Tripier naît à Paris 10ème, deux ans avant la Commune, le 10 janvier 1869, rue de la Chopinette.
Fille de Charles, Alphonse, Eugène Tripier, marchand de vin, 33 ans et de Pauline, Alexandrine Poncin, sans profession, 31 ans.
 Jeanne Tripier passe son enfance chez sa grand-mère maternelle, à la campagne, à Saint Martin des Champs, avec sa mère, sa sœur cadette Alexandrine Léocadie et son jeune frère Alphonse.
Rêveuse et singulière, elle est mise en pension.

















 
 En 1900, elle a 31 ans.
 Par la suite, elle vit à Montmartre, avec son fils adoptif Gustav Baum, né en 1895, dont le père est américain,
qu’elle a rencontré à Paris et avec qui elle a vécu quelques temps. Elle travaille comme vendeuse dans le grand magasin « Au Palais de la Nouveauté » du Boulevard Barbès. La disparition des archives et du dossier médical laisse beaucoup de blancs dans la vie de Jeanne.
En 1914, sa sœur se marie à l'âge de 44 ans.
Alphonse, son frère, séjourne un temps aux Etats Unis.







 

En 1915, décès de sa tante maternelle Léocadie Poncin. Les parents de Jeanne sont alors sans doute décédés. L'héritage revient à ses neveux. Jeanne a 46 ans et par la suite sera convaincue d'avoir été dépossédée. Atteinte par ce décès, Jeanne revendique un héritage, cherche secours et réponses à ses questions du côté des sociétés spirites. Elle déploie une activité intense, procès, lettres aux autorités et travaux "d'arts modernes modernisés".



En 1927, à l’âge de cinquante-huit ans, elle se passionne pour le spiritisme et la divination et en fréquente les milieux, en plein essor depuis le siècle précédent. Ses nouvelles activités l’accaparent tellement qu’elle renonce peu à peu à se rendre à son travail. Jeanne Tripier réalise avec ferveur des dessins, des broderies, des ouvrages tricotés au crochet et rédige également des textes. Elle considère toutes ses créations comme des révélations médiumniques. 
Elle est internée le 4 octobre 1934 dans un hôpital psychiatrique de la région parisienne par Clérembaut, d'abord à Sainte Anne, puis à Maison-Blanche pour "psychose hallucinatoire chronique.  Excitation psychique. Logorrhée. Mégalomanie probablement initiale". Elle a 65 ans, est sans ressource, inscrite au bureau des "indigents littéraires" et à la charge de son fils Gustav Baum, au chômage et logé dans un hôtel meublé.

  

Elle se met toute entière au service des esprits qui l’ont chargée de préparer le "Dernier Jugement Définitif", transcrivant les "messages" qu’elle reçoit de Jeanne d’Arc, de Joséphine de Beauharnais, d’Anatole France, de Quand Même, de Zibodandez 1er, deXionne, roi de l’astre lunaire, de Béglose, roi de la lune à mon gars, de Morin le Colimaçon borgne, de Morphée des catacombes, de Martel en Tête, de Gibraltar ou de Sa Majesté Jupon.
Souvent lisibles, parfois mêlés du "langage sphérique", tout à fait hermétique, ses écrits font montre d’une très grande expressivité, tout comme ses dessins, ou "clichés géographiques". Médium de première nécessité, justicière planétaire et réincarnation de Jeanne d’Arc”, elle développe, pendant les dix années de son hospitalisation, une vision du monde qu’elle transcrira, mêlées aux souvenirs de sa vie quotidienne, dans ses Messages relatant ses voyages interplanétaires, ou ses Missions sur Terre







 Elle réalise des dessins à l’encre, qu’elle mélange avec de la teinture pour les cheveux, du vernis à ongles ou des médicaments. Accompagnés de textes, ces dessins deviennent des sortes de cartographie de la voyance. Elle applique la couleur au doigt le plus souvent, travaille vite. Ses broderies manifestent la même énergie, le même investissement physique dans la violence de leurs formes, désarticulées, à la trame anarchique. 
L’œuvre de Jeanne Tripier la plus saisissante est constituée de ces broderies. Femme au foyer pendant la première partie de sa vie, l’aiguille devient pour elle une arme redoutable le jour où son “corps fluidique astral” l’emporte définitivement sur son “corps fluide charnel”, le jour où elle "décide" une migration mentale et devient ainsi la main de tout un défilé de personnages extravagants. Les messages émanant de toutes ses personnalités défilent et se mêlent les uns aux autres, créent le fil discontinu d’une “litanie de l’absurde”, lancent des imprécations, déclenchent des guerres, parlent au moyen de codes secrets qu’elle baptise “langage sphérique”. 







 
En s’offrant aux esprits qui guident son aiguille, Jeanne Tripier nie sa propre identité, laisse venir des formes dénuées de toute représentation convenue. Protégée par l’anonymat, elle s’affranchit de la conformité, de la banalité et, en utilisant l’outil de sa domination comme arme symbolique, elle devient une grande artiste.
Elle décède à Maison-Blanche, à Neuilly-sur-Marne le 27 juin 1944, elle a 75 ans.



 
En 1947, Dubuffet expose les broderies de Jeanne, en compagnie d'autres œuvres, dans les sous-sols de la galerie Drouin à Paris.
En 1948, quatre ans après son décès, plus de trois cents dessins, une cinquantaine de broderies et environ deux mille pages de textes retrouvés dans un sac sont par chance sauvés de la destruction. 








En 1949, Place Vendôme, à Paris, exposition de 63 auteurs réunis par la Compagnie de l'art Brut. Jeanne est présentée sous le nom de Jeanne Tri.
En 1962, « Les broderies médiumniques de Jeanne Tripier » sont exposées galerie Cordier, à New York. Depuis, collection en France et en Suisse.
En 1966, « Messages et clichés de Jeanne Tripier la Planétaire », Dubuffet, avec écrits, dessins et gouaches de Jeanne.
En 1979, Thévoz écrit « La sorcellerie des mots ». Vuarnet s'en inspire pour écrire « La chute de la maison Tripie »r.
En 1999, « Le Remémoirer de Jeanne Tripier », Lise Maurer, aux éditions Erès
Jeanne Tripier Premier CAHIER mai 1935, Harpo &, Quartier Vaumeilh -R.N. 96-04220 Corbières








« L’art brut », collection Skyra  Flammarion, Michel Thévoz , 1980